Les querelles de Bayonne avec les Basques offrent un plus grand intérêt ; le drame s'y mêle, saisissant et terrible. Peuple indépendant et courageux, les Basques, comme nous l'avois déjà dit, n'avaient jamais reconnu Bayonne comme leur capitale, comme le centre autour duquel ils dussent venir grouper leurs sym patines et leurs intérêts. D'un autre côté, les Bayonnais avaient toujours considéré avec colère les tendances indépendantes de ces populations ; ils supportaient surtout impatiemment la franchise accordée depuis longtemps aux denrées et marchandises destinées à l'approvisionnement du Labourd.
Parmi les plus fougueux adversaires de cette franchise se distinguait le maire, Pès de Puyane, homme rude et belliqueux, qui s'était plusieurs fois distingué par ses hauts faits comme amiral de la flotte anglaise. Ses compatriotes l'idolâtraient, et les mêmes motifs l'avaient rendu odieux aux populations basques. A peine installé dans ses fonctions, il fit prononcer par les cent pairs l'abolition de la franchise des Basques et mit à exécution, sans délai, cette délibération audacieuse. Il envoya des gardes au pont de Proudines, situé sur la Nive, pour exiger des montagnards le prix du passage, s'appuyant sur les anciens titres de la ville qui portaient sa juridiction sur cette rivière jusqu'au terme de la plus haute marée. Les Basques indignés s'attroupèrent devant le pont, dont ils forcèrent le passage en assommant les gardes. Dans le Labourd plusieurs marchands bayonnais furent aussi pillés et massacrés par eux.
Cependant, malgré l'agitation générale des esprits, les Escualdunacs se rendirent en foule à la fête de Villefranque le jour de la Saint-Barthélemy, 23 août 1341. Dans la soirée, un billet anonyme avertit Pès de Puyane que les montagnards rassemblés à Villefranque méditaient un coup de main contre Bayonne. Brûlant du désir de venger ses concitoyens, tués au pont de Proudines et dans le Labourd, le fougueux Puyane part aussitôt pour Villefranque à la tête d'une troupe nombreuse de gens armés. Il profite de la nuit pour enfoncer les portes du château de Miots, où les principaux sont réunis. Il les tue tous, moins cinq gentilshommes qu'il emmène au pont de Proudines.
Là, pour vérifier à l'amiable, dit-il, si le flot de la marée monte aussi loin que le prétend la cité de Bayonne, il fait attacher ces malheureux aux piles du pont. La marée montait ; les cinq gentilshommes disparaissent peu à peu ensevelis sous le flot. A la nouvelle de ces barbares représailles, tout le pays Basque se soulève contre Bayonne. La guerre civile s'organise, se prolonge pendant plusieurs années, et ne se termine qu'en 1357 par un jugement définitif rendu à Bordeaux et provoqué par le prince de Galles. On annula tout ce qui s'était passé entre les deux parties, haines, injures et dommages. Les habitants du Labourd conservèrent la faculté de faire passer par la ville, sans acquitter les droits, les denrées destinées à leur usage; les Bayonnais furent condamnés à une forte amende.